Article paru dans L’Ecole Syndicaliste n°331

Journal national du SNUDI FO , octobre 2003

 

Redoublement au CP et dédoublement des CP : la face cachée

 

Parmi ses nombreuses déclarations de rentrée, le ministre de l’Education nationale, M FERRY, a indiqué qu’il voulait « ouvrir une réflexion sur l’évaluation et le redoublement » en primaire en particulier au CP.

Car, a-t-il ajouté, « un redoublement très précoce est moins traumatisant pour les enfants » tandis que « créer un CM3 ne (lui) paraît pas une bonne idée. ».

 

S’il s’agit de faire en sorte que les enseignants aient à nouveau leur mot à dire sur ce qui est souhaitable pour les élèves de CP qui ne maîtrisent pas les bases de la lecture à la fin de cette classe, soit. Enfin, le mot « redoublement » ne serait plus un gros mot.

 

Pourtant, au-delà des déclarations d’intention, il faudrait peut-être que notre philosophe de ministre se pose la question de savoir pourquoi autant d’enfants ne maîtrisent pas la lecture en fin de CP.

 

 

Et, pour lui faire gagner du temps, nous allons lui suggérer quelques réponses.

 

La remise en cause de la préscolarisation en maternelle des enfants de 2 ans (voire 3 ans) pour des raisons budgétaires, n’handicapent-elle pas les enfants, notamment les plus défavorisés ?

La liquidation de l’AIS permettant une prise en charge personnalisée des enfants en difficulté ne fait-elle pas, elle aussi, partie des causes de « l’illettrisme » ?

 

Pour remédier à cela, M Ferry a décidé de dédoubler 3 500 classes de CP.

On pourrait considérer qu’il s’agit d’un début et d’une volonté de prendre le problème à bras le corps.

 

Encore faut-il examiner dans quelles conditions se déroule cette opération.

 

            500 CP dédoublés à temps plein. Où a-t-on trouvé ces 500 postes alors que tout le monde sait qu’à la rentrée, seulement 1 000 postes ont été créés pour 40 000 élèves supplémentaires ? En réalité, et les informations des sections départementales le démontrent, on a déshabillé Pierre pour habiller Paul.

 

            1 500 classes dédoublées pendant les séances d’apprentissage de la lecture. Avec quels enseignants ?

 

            1 500 classes aidées par des assistants d’éducation. Que vont-ils faire précisément ? Personne ne le sait….

 

Finalement le plan de M Ferry ressemble à s’y méprendre à un cautère sur une jambe de bois.

 

 

 

Les conséquences concrètes du dispositif de dédoublement des CP

 

Parmi les informations qui nous remontent des départements, citons des exemples :

 

Dans les Landes, seuls 33 CP sont concernés et à quel prix !

5 CP à effectifs réduits (de 10 à 17) choisis dans les écoles qui ont accepté de surcharger les autres classes,

12 CP dans lesquels on demande aux personnels des RASED (principalement maîtres E) de venir intervenir avec le maître sur un certain volume horaire (délaissant ainsi les missions qu’ils assuraient auprès des élèves en difficulté des autres classes),

16 CP pour les quels on organise la présence systématique d’un AE (il en reste encore) ou d’un assistant d’éducation pour seconder le maître.

 

Dans le Calvados, la responsable du groupe de pilotage départemental a transformé tous les postes de soutien en postes « d’aide aux apprentissages ».

 

L’un d’entre eux nous écrit :

 

« Nos missions pour cette année scolaire, du moins jusqu’au mois de mars sont : aider les CP, avoir des CP dédoublés 6 heures par semaine.

Comme il y a 3 classes de CP dans l’école élémentaire où je me trouve, je dois assurer 18 (6x3) heures d’aide au CP par semaine. Ces 18 heures sont prises sur mon temps de soutien.

(…)L’année dernière, je faisais 8 heures dans mon école de rattachement : école maternelle Egalité. Pour l’instant, les collègues de maternelle ne me reverront pas avant le mois de mars 2004 !

Tous les 3/4 heure, je change de classe. Soit je suis en doublette dans la classe pour encadrer à deux le travail prévu par le (la) titulaire de la classe, soit je prends une moitié de classe, pas toujours la même et je vais dans la salle de soutien pour encadrer seul le travail prévu par le (la) titulaire de la classe.

La grande nouveauté, et c’est très important pour notre inspectrice, les demi-classes ne doivent pas être des groupes de niveau. Dans chaque demi-classe   nous devons avoir :

des élèves qui comprennent tout du premier coup, en général motivés,

des enfants en difficultés plus ou moins importantes…

Il y a deux ans, avec la même inspectrice, je faisais du soutien aux CP et aux CE1. Il fallait absolument, sous peine de se faire incendier par Mme T, que les groupes soient des groupes de niveau avec des élèves ayant les mêmes problèmes ».