Article paru dans l’Ecole Syndicaliste n°334, janvier 2004

 

Contre-réforme du CAPSAIS

au Conseil Supérieur de l’Education

 du 16 décembre 2003

 

AUCUNE VOIX POUR !

 

Le ministère, au CSE du 16 décembre, n’a obtenu aucune voix pour ses projets de décret et d’arrêtés supprimant le Capsais pour un CAPA-SH dévalué et un 2CA-SH (second degré) sans valeur qualifiante.

Le Snudi-FO, avec l’Unsen-CGT, Sud Education et le SNE-CSEN, demande au ministre de retirer ces projets, de ne pas les promulguer et d’ouvrir d’urgence des négociations pour :

- combler le déficit de près de 9 000 postes spécialisés vacants,

- créer les postes nécessaires pour des Rased complets (à raison d’un pour 800 élèves),

- permettre l’accès des enseignants du second degré volontaires aux formations Capsais (toutes les options) devant continuer de relever d’une formation initiale distincte de la formation continue,

- la reconnaissance de la qualification “d’enseignants spécialisés” avec une revalorisation indiciaire correspondante de l’ordre de 45 points d’indice,

- le maintien des centres nationaux de formation AIS et des formations nationales spécifiques à chaque option.

- le paiement de tous les frais de stage et de déplacement.

Le Snudi-FO demande en particulier que le ministère décide d’urgence le départ en stage Capsais (et DEPS*) de tous les enseignants qui en font la demande, en attribuant ces postes pour ne pas obliger les IA à opérer des redéploiements.

 

* DEPS : Diplôme d’Etat de Psychologue Scolaire.

 

L’aveu

 

En réponse au député Lachaud, auteur d’un rapport commandé par le gouvernement sur “l’intégration scolaire” pour préparer la révision de la loi de 1975, dite loi Lenoir, M.De Gaudemar, directeur de la Desco (direction de l’enseignement scolaire au ministère) a déclaré:

“L’intégration scolaire des jeunes handicapés demeure marquée par l’histoire dont il ne faudrait pas nier les apports [l’AIS]. Cependant, l’enjeu est de passer d’une éducation spéciale ou spécialisée à une situation de droit commun (…) Les jeunes handicapés ne demandent pas un traitement particulier…

Le Capsais va être revu dans ses modalités de formation et certification. Le souhait est de s’éloigner du modèle “éducation spécialisée” encore en vigueur”. (page 27 et 28 du rapport Lachaud – septembre 2003).

Au lieu de prétendre que la réforme du Capsais viserait à rendre plus attractives les formations spécialisées, n’aurait-il pas été plus clair de reconnaître qu’il s’agirait en réalité d’aller vers la disparition de       “l’éducation spéciale” ?

 

Que contiennent le décret et les arrêtés présentés par le ministère au CSE ?

 

1. Le décret abroge le Capsais (certificat d’aptitude aux actions pédagogiques spécialisées d’adaptation et d’intégration scolaires) pour créer un CAPA-SH (certificat d’aptitude professionnelle pour les aides spécialisées, les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap) et un 2CA-SH (certificat complémentaire pour les enseignements adaptés et la scolarisation des élèves en situation de handicap) pour le second degré.

 

2. Un arrêté organise les nouvelles formations sur la base de 400 heures (au lieu de 700) pour le CAPA-SH et 150 heures étalables sur trois ans pour le 2CA-SH. Elles sont construites sur trois grandes unités communes à toutes les options (pratiques différenciées, travail en équipe, environnement) et structurées en modules de 25 ou 50 heures.

La formation commence par trois semaines de regroupement (par exemple en mai ou juin) suffisantes pour nommer le collègue à titre provisoire sur un poste spécialisé pour toute l’année suivante pendant laquelle il suivra sa formation “en cours d’exercice”sur son poste spécialisé tout en rédigeant un mémoire. La formation valorise les questionnements issus de la mise sur le terrain.

 

3. Un arrêté définit les mêmes options de A à F pour le CAPA-SH, sans l’option E et G pour le 2CA-SH pour des formations de 400 heures (au lieu de 700 auparavant) et de 150 heures.

Un arrêté porte sur l’organisation de l’examen pour le CAPA-SH basé sur un entretien d’une matinée avec un jury comprenant deux séquences d’activité, la présentation du mémoire et la généralisation de sa pratique.

Un quatrième arrêté précise les conditions de l’examen pour le 2CA-SH (55 minutes d’une séquence et un entretien d’une heure avec un jury).

 

 

L’intervention de Michel Landron, Snudi FO,

au titre d’expert désigné par la Confédération (Extraits)

 

“On discute ici, en réalité, de la façon dont l’Education nationale assure la scolarisation des enfants et adolescents handicapés et/ou en difficulté, que ce soit dans un établissement scolaire, quand c’est possible, ou un établissement spécialisé, quand c’est nécessaire (décision de la CDES).

 

L’enseignement spécialisé : un droit reconnu.

La question est simple : des enfants sourds, aveugles, handicapés moteurs, autistes, atteints de graves troubles du comportement ou en difficulté scolaire et/ou personnelle ont-ils besoin, pour leur scolarisation, d’être pris en charge par un enseignant spécialisé à la nature et au degré de leur handicap et/ou de leur difficulté ?

Enseigner à des enfants victimes de handicaps aussi différents que le handicap sensoriel ou le handicap moteur, d’un trouble psychique ou d’une difficulté personnelle passagère nécessite-t-il une qualification professionnelle spécifique, donc des formations spécifiques?

Le législateur a créé en France l’enseignement spécialisé et le Capsais (ex CAEI) parce qu’il a répondu oui à ces questions. Et la loi Lenoir reconnaît le droit de ces enfants à cette “éducation spéciale” quand ils en ont besoin.

 

Près de 9000 postes vacants dans l’AIS

Depuis plusieurs années maintenant, au prétexte “d’intégration scolaire”, les ministères successifs ont réduit systématiquement l’engagement ministériel dans la formation des enseignants spécialisés.

Nous avons, avec d’autres syndicats, alerté les pouvoirs publics à ce sujet. On ne nous a pas écoutés. On en est désormais à un déficit de 9 000 enseignants spécialisés sur un total de 36 000 postes (dans et hors l’Education nationale) alors qu’il en faudrait environ 50000 pour répondre aux besoins.

La situation est grave. Le ministère par exemple annonce qu’il va multiplier les Clis dans les écoles et les UPI dans les collèges pour augmenter la capacité d’accueil des enfants et adolescents handicapés. Mais il oublie de dire que, déjà, environ 40% de ces classes sont occupées par des enseignants non spécialisés !

A cela, les autorités répondent qu’il manquerait des enseignants volontaires pour suivre ces formations au Capsais.

 

Pas d’enseignants volontaires pour suivre

ces formations? Faux.

La vérité est différente : il y a des candidats, mais leurs candidatures sont refusées y compris dans des options où il y a un nombre important de postes vacants !

Si le ministère le veut, alors il peut décider que toutes les candidatures aux stages Capsais et DEPS seront acceptées. S’il faut attribuer ces postes aux départements pour éviter des redéploiements que ne veulent pas faire, à juste titre, les inspecteurs d’académie, le ministère peut également le faire.

Le ministère peut aussi décider que les stagiaires ne devront plus subir de pertes de rémunération, que les frais de stage et de déplacement seront remboursés et que la qualification “d’enseignant spécialisé” soit reconnue et rémunérée (la qualification “d’instituteur spécialisé” l’était).

Les stages pratiques peuvent très bien se passer avec un titulaire reconnu comme formateur, au lieu de laisser le collègue sur le terrain pour suivre, en plus, sa formation, donc avec un double emploi du temps.

Quant au second degré, rien n’interdirait au ministère d’ouvrir les formations Capsais aux enseignants du second degré qui le souhaitent.

 

On forge une régression, on l’appelle progrès.

Le ministère refuse de nous écouter. Il nous propose de diminuer de moitié les formations de base (400 au lieu de 700 heures) qu’il faudra suivre en plus de l’occupation d’un poste spécialisé après 3 semaines de sensibilisation, d’en faire basculer une grande partie dans la formation continue, c’est à dire aux aléas des plans de formation dans des IUFM qui n’auront pas les formateurs.

Ces solutions n’en sont pas. Elles sont dissuasives et une incontestable régression. C’est une sorte “d’autoformation sur le tas” signifiant une déqualification générale du diplôme.

 

Faire mieux avec beaucoup moins ?

Le pire est sans doute la création du 2CA-SH pour les enseignants du second degré.

On est en train de nous dire que 150 heures sur trois ans, l’essentiel en modules à l’IUFM, seraient largement suffisantes pour intégrer dans les collèges des adolescents atteints de graves troubles du comportement, autistes ou psychotiques, aveugles ou sourds-muets !

On fait passer la formation à l’option F du Capsais (Segpa et Erea) de 700 heures à 150 heures en affirmant que c’est un progrès. Pourquoi d’ailleurs garder 400 heures pour le premier degré si on peut faire aussi bien avec 150 heures ?

Nous sommes, avec ce décret et ces arrêtés dans une autre logique que celle du développement de l’enseignement spécialisé qualifié.

 

Une logique “d’accompagnement” par “des personnes ressources”.

M. De Gaudemar l’a exposée au député Lachaud pour son rapport ? (Voir plus haut “L’aveu”).

Il s’agirait de s’éloigner du modèle “éducation spéciale” pour aller vers un dispositif “d’accompagnement” des intégrations dans les classes ordinaires. Le nouvel enseignant spécialisé, hâtivement formé au partenariat et au travail en équipe, deviendrait une sorte de “conseiller à l’intégration” auprès de ses collègues. Le ministère les appelle “personnes ressources” à qui on fait appel en cas de besoins.

Cette logique se retrouve dans les projets de référentiels des compétences non soumis à la discussion du CSE et actuellement en cours d’élaboration. On y lit qu’un enseignant spécialisé “favorise la mise en œuvre dans les classes d’actions pédagogiques différenciées et adaptées”. D’où l’importance de le former au partenariat, plus important qu’une connaissance scientifique des conséquences sur le psychisme d’un handicap moteur ou sensoriel, par exemple ou la maîtrise du langage des signes pour l’option A.

Cette logique a déjà conduit à la fermeture des classes de perfectionnement, à l’ouverture des Clis et UPI vers les classes banales, aux tentatives de regroupement des Rased en un seul “centre de ressources par circonscription, à l’intégration “par défaut” dans les classes d’enfants pourtant affectés par la CDES vers des structures spécialisées…

La promotion des mérites d’une “démarche interactive” (je rencontre une difficulté dans ma classe avec un enfant psychotique, un autre sourd-muet et un troisième illettré, j’appelle le centre de ressources) ne mène-t-elle pas à créer un site internet “intégrascol” ? C’est quand même bien moins onéreux que les formations nationales pilotées par le CNEFEI (Centre National de Formation à l’enfance inadaptée) appelé, selon un bulletin de la MGEN, à devenir simple département de l’Université de Paris X Nanterre.

Cette logique prive les enfants et adolescents handicapés et/ou en difficulté des enseignants spécialisés dont ils ont besoin. Elle est redoutable pour les collègues qui n’ont ni les qualifications requises ni les moyens de faire face à des situations dramatiques d’enfants handicapés et/ou en difficulté dans leur classe.

Si on considère que l’école n’est pas une garderie, mais un lieu d’acquisition des savoirs élémentaires, alors, nous ferons en sorte que les droits des enfants qui ont besoin d’un enseignement spécialisé soient respectés.

C’est en tout cas un combat que Force Ouvrière n’hésite pas à assumer.

 

VOTEZ CONTRE

Pour toutes ces raisons, FO appelle les participants au CSE à voter contre les projets de décret et d’arrêtés en demandant au ministre de les retirer pour ouvrir des négociations sur les revendications simples et évidentes qui permettent aux collègues qui le souhaitent d’accéder aux formations au Capsais (et au DEPS) dans de bonnes conditions de formation, de rémunération et de reconnaissance.